triste france !
TRISTE FRANCE ! < > Août 2024
tilleul et hêtre -- 960 x 450 x 150 mm
oOo
Bigre! allez-vous vous exclamer! ou plutôt ... bigre ?
Un point d'interrogation de près d'un mètre est sorti de mes gouges après un murissement de plus d'un an. Il est énorme, à la hauteur de mes interrogations sur le déclin de notre pays. J'ai identifié six domaines qui me questionnent beaucoup :
- l'école : dans une société hyper numérisée où les Gafam nous font croire que tout se règle en glissant l'index sur un vague écran, les parents inculquent-ils encore à leurs enfants-rois le goût de l'apprentissage, de l'effort et du travail ? Ces mêmes enfants passent des heures quotidiennes inutiles sur ces mêmes écrans et arrivent blasés et fatigués en classe. Pendant ce temps, les collectivités déversent des tombereaux de tablettes dans les écoles et collèges en imaginant qu'on peut apprendre en s'amusant. De plus on rogne sans cesse le temps de l'enseignement des savoirs fondamentaux au profit d'une multitude d'enseignements périphériques (le genre, le harcèlement entre élèves, l'anglais, les sorties, la sécurité routière, les prédateurs sur réseaux sociaux, etc...). On a supprimé depuis longtemps les travaux à la maison sous prétexte d’égalitarisme. Résultat : la France recule sans cesse depuis 20 ans dans les classements européens et l'illettrisme s'installe en France,
- l'industrie : la disparition des usines, l'une après l'autre, suppriment les emplois et nous rend dépendants des livraisons de la Chine : on y a substitué une économie de services, de commerce, de tourisme, génératrice de multiples petits boulots à basse qualification, sans espoir de progression et assez souvent à temps partiel. Les quelques usines qui réapparaissent en France sont toutes robotisées et demandent peu d'emplois. Je n'oublie pas non plus, l'industrie agro-alimentaire qui a privilégié les exportations basées sur une agriculture intensive et balayent les agriculteurs traditionnels, sous l'impulsion d'une Europe libérale et commerçante sans vision commune industrielle,
- la santé : nos hôpitaux ferment des services entiers par manque de personnel. Des ruptures de stock sont courants pour certains médicaments importants. Des déserts médicaux s'installent durablement après le remplacement des "vieux" médecins de campagne par des jeunes assurant leur 35h mais pas plus, et encore quand ils daignent s'installer dans les territoires reculés. Et puis, comme aucune permanence de ville ne leur est imposée la population se rabat pour une fièvre ou un rhume sur les services d'urgence de la ville voisine qui se saturent et n'arrivent plus à traiter les pathologies et traumatismes lourds, avec des personnes mourant sur le brancard où elles attendent depuis plusieurs dizaines d'heures,
- la pauvreté : notre pays enregistre à chaque enquête annuelle une augmentation du nombre de personnes vivant "sous le seuil de pauvreté", malgré une multitude d'aides, d'allocations ou de chèques (rentrée scolaire, essence, énergie, etc) La précarité devient la préoccupation de beaucoup, comme celle de certains salariés qui ont peur de se retrouver à la rue ou vivent dans leur voiture car la part du coût du logement est croissante dans le budget familial,
- "ensemble" : notre société se fissure de différentes manières : installation de communautarisme à l'anglaise, multiplication des incivilités à base d'individualisme exacerbé à l'américaine, remise en cause des matières enseignées dans notre école républicaine, refus de la vaccination de masse, refus de décisions administratives prises après de longues concertations car jugées anti-écologiques par certains, délinquance atteignant des couches plus jeunes de la population : dans toutes ces situations les médias nous inondent et nous saturent quand malheureusement le conflit débouche sur la mort,
- l'autorité : les figures d'autorité d'autrefois (instituteur, médecin, gendarme, maire, pompier) sont mises à mal dorénavant régulièrement : les parents d'élève s'en prennent à l'instituteur de leur enfant si les notes sont mauvaises, les enfants et adolescents eux-mêmes sont très dissipés dans les classes et préfèrent pianoter que de suivre le cours en respectant le calme demandé par leur enseignant. Les pompiers sont caillassés lorsqu'ils viennent sauver des vies. Les refus d'obtempérer aux forces de l'ordre se multiplient au point d'écraser le gendarme qui vous contrôle. Les zones de non-droit de certains quartiers sont justes nommées pudiquement par nos politiques. Des maires agressés et écœurés démissionnent...
J'en reste là : voilà mon état d'esprit tout au long de la création de cette sculpture. Je me devais de témoigner même si je peux ou dois choquer. Je porte mon rôle d'artiste comme celui d'un témoin de ce début du 21è siècle, bien loin de l'époque des "trente glorieuses"! Ma conception de mon rôle d'artiste est là : produire des émotions et des réactions parmi le public : au delà de l'émotion devant le "beau", l'Art doit aussi interroger et faire se poser des questions....
Maintenant je reprends le fil plus classique de ce blog avec quelques explications sur ma sculpture, finalement un peu "particulière" : j'ai voulu en effet reproduire ici le déséquilibre que j'affectionne dans une œuvre renversée sur sa pointe (un peu dans le style du "parapluie" conçu lui aussi de cette manière). Alors me direz-vous, comment "triste france" tient-elle droite? Une bonne analyse des centres de gravité à l'aide de ma CAO m'a permis de trouver la forme et le poids nécessaires du contrepoids situé sous le socle assurant la stabilité de la sculpture.
J'ai bien aimé travailler la section octogonale linéairement décroissante, de la pointe de l'arc au pied du signe "?". Pour cela, je m'étais fabriqué au préalable une vingtaine de gabarits qui m'ont aidé à respecter la régularité des huit faces tout au long du parcours sinueux. Le tout a été taillé dans ce qui me restait du plateau de tilleul déjà utilisé précédemment pour "furtive" et "rêve de saxo". On y retrouve le même cerne noir qui tranche avec la belle couleur ocre clair du tilleul. Je me suis fait un prototype de la figure de la France, avant de le tailler directement sur la surépaisseur placée peu avant la fin de l'arc, à hauteur des yeux du visiteur.
Le socle est un seau renversé, recouvert de feutrine noire, percé à son sommet pour laisser passer la tige métallique rendant solidaires sculpture et contrepoids. J'avais dès le début de la taille pris la précaution de percer le bas du signe "?" sur une longueur de20cm environ, pour y loger cette tige métallique. Sur le fond du seau roule la boule de hêtre de 10cm de diamètre, elle-même percée pour le passage de la tige, et à l'intérieur de laquelle se situe l'écrou régulateur de la hauteur du centre de gravité global.
J'ai pyrogravé le nom des six thèmes ci-dessus, afin de les rendre indélébiles dans le bois de cette sculpture.
autres photos :
page postée le 27 Août 2024